Diagnostic, place du Onze Novembre (2019)
Réalisé dans le centre-ville de Laval dans le cadre du projet réhabilitation de la place du 11 Novembre, le présent diagnostic a consisté en l’ouverture de 14 tranchées d’une surface totale de 810 m², auxquelles s’ajoutent 5 carottages profonds jusqu’à 8 m, réalisés dans le cadre d’une étude géomorphologique. Sept grandes étapes de l’histoire du site, particulièrement riche, ont pu être étudiées.
Période 1 – Avant la ville, une zone humide à la confluence entre la Mayenne et le ruisseau du Râteau (du Néolithique au haut Moyen Âge)
L’exploration a mis en évidence une vaste zone humide à la confluence entre la Mayenne et le ruisseau du Râteau, dont la présence est attestée par des datations radiocarbone depuis le Néolithique final jusqu’à la fin du 17e siècle. Les sédiments limono-sableux de cette séquence gorgée d’eau ont permis l’excellente conservation des matières organiques (bois, graines, pollens) qui constituent la mémoire environnementale de la vallée. L’étude palynologique a notamment montré, pour le haut Moyen Âge, une forte pression anthropique sur le milieu qui se caractérise par un paysage agricole ouvert où l’élevage du bétail et la céréaliculture cohabitent.
Période 2 – Défendre le front nord de la ville médiévale (14e-15e siècles)
À partir du 13e siècle, l’emprise du diagnostic se situe sur le front nord de l’enceinte urbaine qui est renforcée aux 14e-15e siècles par des ouvrages défensifs avancés et une enceinte complémentaire protégeant le quartier du Val de Mayenne. Une tour circulaire de 8,50 m de diamètre, dénommée au Diable et appartenant à cette nouvelle clôture, a ainsi été mise au jour. Plus à l’ouest, la porte de la Chiffolière était sans doute précédée d’un boulevard d’artillerie et d’un pont, à l’entrée duquel se trouvait un petit fortin (fort Saint-Just). Au début du 15e siècle, des fossés sont creusés et un étang est aménagé dans la zone marécageuse pour renforcer ces fortifications.
Période 3 – Des activités artisanales de bord de rivière (15e-19e siècle)
Les berges de la Mayenne, en particulier sur l’ancienne rive gauche, sont occupées entre le 15e et le 19e siècle par des blanchisseries de toiles qui profitent de l’accès à l’eau de la rivière et des grandes étendues de prés pour réaliser les traitements nécessaires au blanchiment des draps. Plusieurs structures fossoyées trouvées au fond de la tranchée 10, comblées avec des rejets riches en matière organique et en cendres, sont à mettre en lien avec ces activités qui ont fait la prospérité de la ville à l’Époque moderne.
Période 4 – La place de la Chiffolière, embryon d’un nouveau centre urbain (17e-18e siècles)
Le 17e siècle voit le déclassement progressif des ouvrages défensifs et l’assainissement de la zone humide qui devient une véritable place publique. Un hôtel particulier, où la municipalité s’établit à partir de 1756, est édifié vers 1620 sur les vestiges du boulevard d’artillerie. L’étang et les fossés qui l’entourent sont asséchés et comblés vers 1688 comme le montrent les nombreux remblais de cette période observés dans les tranchées 1, 2 et 15. Sur cette place sont ensuite édifiées la chapelle d’un hôpital général fondé en 1678 (hospice Saint-Louis), ainsi qu’en 1734 une halle aux poissons circulaire.
Période 5 et 6 – La traverse Paris-Brest, le canal de dérivation de la Mayenne et l’extension de la place de la Mairie (années 1820-1860)
L’aspect de la place de la Chiffolière et de tout ce secteur de la ville connaît des transformations majeures au 19e siècle avec l’aménagement, sous l’égide des ingénieurs des Ponts et Chaussées, d’une grande traverse qui s’accompagne du creusement d’un canal de dérivation de la Mayenne que franchit un nouveau pont. L’objectif est de faciliter le déplacement des troupes qui se rendent aux arsenaux de Brest depuis Paris – ou inversement – en évitant la traversée difficile de la ville médiévale au relief accidenté et aux rues étroites. La municipalité en profite pour étendre et régulariser l’ancienne place de la Chiffolière et y établir de nouveaux équipements : un hôtel de ville (1831), un minage (1835) et une poissonnerie (1877). Des promenades arborées sont créées entre le nouveau chenal et la Mairie (1840-1867). Ces travaux d’ampleur considérable ont nécessité l’exhaussement des niveaux de sol de plus 4 m. De nombreuses tranchées du diagnostic ont ainsi traversé d’importants volumes de remblais du 19e siècle. Ces derniers contenaient des dépotoirs de déchets domestiques et commerciaux qui ont permis de recueillir un très grand nombre d’objets en céramique, en métal, en verre, ainsi que des rejets métallurgiques, etc. Ces éléments sont de précieux révélateurs de la culture matérielle des habitants et des modes de gestion des déchets dans une période qui connaît une forte croissance de la consommation de biens domestiques.
Ainsi au début des années 1870, la place de la Mairie est devenue un espace public moderne et le nouveau centre de l’agglomération.
Période 7 – La place du 11 Novembre au 20e siècle
Les travaux et aménagements du 20e siècle concernent essentiellement des niveaux superficiels de voirie pour adapter l’espace public à la croissance de la circulation automobile. Rebaptisée place du 11 Novembre en 1931, la place accueille la même année un giratoire, à l’emplacement de l’actuel square du Jet d’eau, qui laisse toutefois l’axe de la traverse passer en son centre pour faciliter l’accès des convois militaires. Les promenades arborées existent toujours et le square Foch est, après la Première Guerre mondiale, un espace de commémorations autour d’un imposant monument aux morts édifié en 1923.
Dans les années 1950, des parkings sont aménagés et les voies encore pavées sont recouvertes d’enrobé. Il faut attendre 1976 pour que le schéma de circulation actuel soit instauré. Le rond-point des années 1930 est supprimé et remplacé par le Jet d’eau.